Vivre sans préjugés

Ciel coucher du soleil place Jamâa El Fna Marrakech souk

On peut avoir mille et une raison pour visiter un endroit, beaucoup plus pour visiter la grande place de Jamâa El Fna à Marrakech. La mienne fut toujours pour combler ma gourmandise et puis ensuite ma curiosité. En même temps, comment peut-on y passer sans goûter à cette viande trempée dans du gras avec un grand verre de thé bien sucré ? Comment ne peut-on pas succomber à ces fameux bouillons d’escargots aux herbes qui,  par dose de piquant, finissent par nous donner le hoquet ? Ces suffocations cadencées et inopinées, se rajoutant au son des tambours, aux cris des attiseurs et aux chants des groupes, me procuraient un plaisir inestimable.

Mais ce jour là, en cet effervescent samedi après midi, j’en avais aucune. Aucune raison, si ce n’est attendre patiemment la tombée de la nuit pour regagner mon lit douillet. Dans cette vaste place où nos cinq sens sont stimulés simultanément, il me semblait inconcevable de ne rien y faire, de ne pas suivre ses odeurs, de ne pas se faufiler entre les foules pour capter toutes ses vibrations de part et d’autres. Dans ma frustration , je me suis retrouvée juchée sur l’une des terrasses du café de France donnant sur la place au deuxième étage. Même pas la plus belle, et à devoir payer, en plus, cinq fois voire dix fois plus cher un verre de thé. C’est normal me diriez-vous : on paye l’emplacement avant tout, mais cela me semblait être tellement du gâchis que je m’en suis abstenue et me suis résignée avec mon objectif dans un coin à attendre sans trop me poser de questions.

Vivre sans préjugés - Skyline des terrasses de la médina de Marrakech au moment au coucher du soleil

Il était à peine 18h et le soleil commençait à se coucher. Mon regard s’était perdu dans l’horizon, voguant entres ces terrasses rouges entassées de paraboles et de linge suspendu. Une scène ordinaire qui, avec cette tendance dorée de la lueur du soleil, devenait magique, féerique et mystérieuse. Mon regard se laissait emporter et mon esprit aussi. La forme de ces terrasses superposeés devenait, de plus en plus, qu’une simple silhouette traçant une belle skyline sur le ciel de Marrakech. Bizarrement, cette vue me procura une paisibilité insoupçonnée, me faisant presque oublier l’ambiance foisonnante du souk juste en dessous. Mes yeux ne voulaient s’en détacher même si mes oreilles , comme eveillées instantanément, m’incitaient à regarder plus bas pour capter ce rythme à la cadence bien faite. Il faisait nuit quand j’ai enfin céder à ce chant qui se détachait de plus en plus des autres sons. Je me suis rendue compte que cette harmonie de Tarija et de Bendir (Instruments de percussion locaux) avait déjà regroupé autour d’elle une foule importante. Des foules, y en a un peu partout sur la place Jamâa El Fna. Au sol, cela ressemblait simplement à des rassemblements spontanés, momentanés, créant une promiscuité parfois étouffante, je l’avoue. Mais de là haut, cela avait tout un autre goût. On pouvait non seulement discerner cette place telle une scène sacrée dédiée à l’artiste, voir sa représentation mais aussi voir cette audience en cercle qui vient et repart, cherchant probablement le meilleur orateur, le meilleur spectacle, comme des abeilles à la quête des meilleures ruches.

 

vivre sans préjugés - Rassemblement de foule sur la place Jamâa El Fna autour d'un groupe de chant

Ce groupe de cinq hommes, à la barbe mal entretenue pour l’un, était installé sommairement sur un bout de tapis avec des chandelles. Ils avaient joué le même air que celui d’il y a trois heures et ne semblaient point se prélasser, ni perdre rigueur et motivation. Même qu’ils le jouaient davantage de mieux en mieux, comme si un air solennelle s’installait à la tombée de la nuit. De loin, la fumée des barbecues répandait une odeur enivrante. Cela réchauffait visiblement l’air et l’ambiance aussi. Ainsi, tout ce qui devait être pour moi une après-midi ennuyeuse s’était transformé en un moment authentique, unique et privilégié.

Connaître un lieu, une ville ou un pays ne s’arrête pas à une unique expérience d’un instant précis , à une routine adoptée en enfance, ou à une opinion fondée depuis des millénaires. Des fois, il suffit juste de changer de regard, de rythme, d’humeur et d’angle de vue pour découvrir de nouvelles facettes. Il suffit de se dépourvoir de ses préjugés, de tendre l’oreille et de laisser filer son regard pour fonder sa bonne raison d’être. Les lieux ne se livrent jamais à nous de la même manière. Donnons nous l’occasion de diversifier nos expériences, et d’aspirer le bonheur, le vrai, le simple de tout ce qui nous entoure.

Vivre sans préjugés -Silhouette d'un minaret avec le coucher du soleil en arrière plan à marrakech.

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